I E Lyon étant laflé de chaleur & de
                
                    'courir, fe repofoit en l'vmbre fur la
                
                    verdure. Ce pendant qu'il dormoit, vn
                
                    troupeau de ras couroit fur fa croupe.
                
                    Il s'efueilla. En s'éueillant il en faifift vn
                
                    de fa patte. Le pauure efclaue lui deman-
                
                    de pardon, difant qu'il n'étoit pas digne
                
                    qu'vne fi noble befte fe courrouçaft co-
                
                    tre lui. Le Lyon penfant que celui feroit
                
                    deshoneur de tuer vne tant petite befti-
                
                    olle, laiffe aller fon prifonnier. Or vn
                
                    peu de temps apres le Lyon courant par
                
                    la foreft, vint d'auenture tomber dedans
                
                    les cordes. Il lui fut loyfible de rugir,
                
                    mais non pas de fortir. Le rat ouyt rugir
                
                    le Lyon miferablement. Il accourut, il re-
                
                    congnoit la voix,il vint aux foffes:il cer-
                
                    che les nouz des cordes, il les trouue,
                
                    puis apres il les ronge. Par ce moyen le
                
                    Lyon échappa de fes liens.
                
                    Le fens.
                
                    Par cette fable font confeillez les riches &
                
                    puiffans de garder clemence & douceur, car
                
                    (felon que les chofes humaines font inconftan-
                
                    tes)ils ont le plus fouuent affaire de l'aide des
                
                    plus petits. Parquoi l'homme fage, iazoit qu'il
                
                    le puiffe, toutes-fois craindra il de nuyre à per-
                
                    fonne, Or celuy qui ne craint de faire déplai
                
                    frà autruy eft vn grand fel. Pourquoy? Pour-
                
                    te que combien que tu fois defmaintenant
                
                    puiffant, neantmoins il auiendra parauenture
                
                    que tu craignes quelque-fois: car il eft tont
                
                    certain que les excellens perfonages & gram
                
                    Rois ont eu fouuent befoin de l'amitié, & ont
                
                    traint le courroux des petits compagnons.
                
             
                 
                 
                 
                 
                 
                 
                