On Seigneur donc pource qu'il le pen-
                
                    foit inutile à toute befongne domefti-
                
                    que, l'enuoya labourer aux champs. Or
                
                    Eſope arriué au lieu, befongnoit diligé-
                
                    ment. Et fon Seigneur s'aduifa vn iour
                
                    d'aller en la metayrie pour veoir l'œcuure
                
                    de fon nouueau feruiteur. Sur ces entre-
                
                    faites vn laboureur luy fit va prefent de
                
                    belles & groffes Figues.Le Seigneur pre-
                
                    nant grad plaifir en la beauté de ce fruit,
                
                    les donna à garder à l'vn de fesvalets nő-
                
                    mé Agathopus,iufques à tat qu'il retour-
                
                    neroit des eftuues. Or comme ainfi fut
                
                    qu'Efope fut entré en la maison pour
                
                    quelque neceffité, Agathopus ayat trou-
                
                    ué fon oportunité dona tel confeil à l'vn
                
                    de fes compagnons:hau compagnon (dift
                
                    il) rempliffons nos ventres de ces figues:
                
                    & fi noftre maiftre les demande nous tef-
                
                    moignerons nous deux contre Efope que
                
                    il eft entré en la maiſon, & qu'il ha man-
                
                    gé les figues fecretement,& fur cefte veri
                
                    té qu'il eft entré en la maiſon, nous GON-
                
                    trouuerons beaucoup de mensonges : car
                
                    vn feul ne pourra rien contre deux, veu
                
                    mefmement qu'il n'ofera murmurer, par
                
                    ce qu'il n'ha point de probation. Quand
                
                    ils eurent ainfi conclu, ils commencerét
                
                    à manger les figues, & en les mangeất di-
                
                    foyent à chacun morceau, malheur fur
                
                    toy malheureux Efope. Or apres que leur
                
                    Seigneur fut retourné des eftuues, & que
                
                    il eut demádé fes figues, & qu'on luy eut
                
                    dit qu'Efope les auoit mangees: il com-
                
                    méça à fe courroucer,& comanda qu'on
                
                    luy fit venir Efope. Auquel quand fut ar
                
                    riué,dit: viença malheureux Home, m'as
                
                    tu fi peu eftimé que tu foys entré dedans
                
                    mon fellier & que tu ayes mangé mes fi-
                
                    gues, lefquelles fauoye fait garder pour
                
                    moy? Lors le pauure efcoutoit & entent-
                
                    doit, mais à caufe qu'il ne pouuoit pas
                
                    parler à fon aife, il ne refpondit nulle-
                
                    ment. Quand les accufateurs preffoyent
                
                    & folicitoyent leur Seigneur, & qu'ice-
                
                    luy eftoit pres d'eftre battu,il fe ietta aux
                
                    pieds de fon maitre, & le pria qu'il eut
                
                    vn peu de patience. Or apres qu'il fut ac-
                
                    couru,& qu'il eut apporté de l'eau tiede,
                
                    il la beut,& mettant les doigts en fa bou-
                
                    che, il vomit feulement l'eau: car il n'a-
                
                    noit point encore mangé de ce iour. Il
                
                    prioit doc que fes accufateurs fiffent fem-
                
                    blablement à fin qu'on congneuft celuy
                
                    qui auroit aurallé les figures. Parquoy le
                
                    Seigneur tout efbahy du fens & entende-
                
                    ment de fon nouueau feruiteur,comman-
                
                    da que les deux autres beuffent de cefte
                
                    eau tiede. Les gallans auoient bien deli-
                
                    beté de boire l'eau: mais non pas de met-
                
                    tre les doigts en leurs bouches, ains les
                
                    tourner deçà & delà à l'entour des ma-
                
                    choueres. Or agrad peine eurent ils beu,
                
                    que cefte eau tiede leur caufa vomiffe-
                
                    ment, & leur fit rédre gorge, & les figues
                
                    fans autre contrainte. Le maitre donc
                
                    voyant deuant fes yeux la malicieuſe ca-
                
                    lumnie de fes valets commanda qu'ils fuf
                
                    fent defpouillez tout nudz, & trefbien
                
                    fouettez. Lors ils congueurent cefte fen-
                
                    tence auoir efté tres veritablement dite:
                
                    Qui machine tromperie contre autruy,
                
                    luy mefme fe forge le mal.
                
            