La femme et son amant

Marie de France - Fable 78
13ème siècle



Voir la fable originale en Vieux Français
Un vil conte me hante, ça me guette,
Dans ma maison, comme une bête.
Sur mon lit, un autre homme j'ai aperçu,
Avec ma femme, qui commettait son dû.
"Oh là là," dis-je, "que vois-je là ?"
À quoi ma femme a rétorqué :
"Qu'as-tu vu, bon monsieur, mon doux ?"
-"Un autre homme, c'est ce que je crois,
Dans le lit te tenait enlacée."
En colère, la femme a repoussé les accusations :
"Je sais bien," dit-elle, "ce n'est pas vrai,
C'est ton vieux délire qui se relaye ;
t'essaies de faire passer le mensonge pour le vrai."
-"Je l'ai vu," dit-il, "je dois le croire."
-"Tu es fou," dit-elle, "si tu crois
Comme vérité ce que tu vois."
Elle le prend par la main, l'emmène avec elle
Vers une cuve remplie d'eau, telle une chapelle ;
Dans la cuve, elle lui fait garder le loisir.
Puis elle commence à lui demander
Ce qu'il voit. Il lui dit qu'il voit son reflet.
"C'est pour ça," dit-elle, "n'es-tu pas
Dans la cuve avec tous tes habits,
Si tu voyais une ressemblance.
Tu ne dois pas avoir foi
En tes yeux, qui mentent si souvent."
Dit le vilain : "Je me repens !
Chacun doit mieux croire et savoir
Ce que sa femme lui dit pour le voir,
Que ce que ces foutus yeux voient,
Qui le trompent par leur vision."
Par cet exemple, nous déduisons
Que la sagesse et la connaissance valent mieux
Et aident plus de gens
Que ses possessions ou ses parents.


La sagesse et la connaissance valent mieux et aident plus de gens que les possessions ou les parents.