L’aigle, l’autour et la grue

Marie de France - Fable 52
13ème siècle



Voir la fable originale en Vieux Français
Un aigle était très irrité
envers un hibou, et furieux.
Il fit assembler tous les oiseaux ;
pourchasser le hibou, les fit voler,
savoir s'ils pourraient le prendre.
Mais le hibou ne voulut pas attendre ;
il s'était mis dans le creux d'un chêne.
Les oiseaux l'avaient autour assis,
puis cherchèrent qui l'attaquera
et qui pourrait le vaincre.
Ils envoyèrent alors la grue,
pour son long cou ils l'ont priée.
La grue avance du bec,
et le hibou immédiatement
par la tête la saisit.
La grue fut si ébahie
qu'elle bouscula tout par derrière.
Elle fit reculer tous les oiseaux,
ceux qui autour de lui venaient
et qui déjà voulaient l'aider ;
elle les désordonna et les dérouta,
et ils s'enfuirent tous sur elle.
Quand elle eut sorti sa tête,
elle pensa qu'en aucun cas
elle ne voudrait rester dans le pays,
elle préfèrera, s'engagea-t-elle, traverser la mer
pour l'humiliation qu'elle avait faite,
qui serait pour toujours racontée.
Quand elle fut en mer entrée,
elle rencontra une mouette,
qui lui demanda et enquêta
où elle allait. Et celle-ci lui dit
qu'elle fuyait son pays,
et lui raconta son déshonneur.
Alors la mouette répondit,
demandant si elle était venue
sans cet objet qui l'a humiliée.
Et la grue lui répondit :
« Pourtant, je l'ai », dit-elle, « avec moi. »
— « Ainsi je te le jure en toute foi
que tu reviens dans ton pays,
tant que de celui-ci n'es délivrée ;
plus grand mal peut-il faire ailleurs. »
La grue se mit au refuge.
Cette morale a ainsi été racontée :
ceux qui sont pleins de méchanceté
et qui se comportent mal dans leur pays,
puis le quittent, et s'en vont,
pour ne pas laisser derrière eux leurs méfaits ;
ailleurs ils font autant ou pire.
Leur mauvais cœur ils doivent changer,
et non pas leur mauvais cœur laisser.


Ceux qui sont pleins de méchanceté et qui se comportent mal dans leur pays, puis le quittent, et s'en vont, pour ne pas laisser derrière eux leurs méfaits ; ailleurs ils font autant ou pire. Leur mauvais cœur ils doivent changer, et non pas leur mauvais cœur laisser.